Qu’est-ce que le baseball peut nous apprendre à propos des compétences sociales? Theo Epstein est devenu président de l’équipe de baseball des Cubs de Chicago en 2011, alors que l’équipe croupissait dans les bas-fonds de la ligue depuis des décennies. L’année suivante, il part à la recherche de jeunes joueurs pour rebâtir l’équipe et recherche bien sûr d’excellentes habiletés physiques, mais ce qui le distingue de tous les autres présidents d’équipe de baseball, c’est qu’il accordera autant de valeurs aux habiletés sociales qu’aux capacités physiques de ses recrues. Dans une interview qu’il accordait l’an dernier au New York Times, il expliquait qu’il a pris tout son temps pour « Choisir des personnes plutôt que des capacités physiques.»
[perfectpullquote align= »full » cite= » » link= » » color= » » class= » » size= » »]J’ai demandé à mes recruteurs de fournir, pour chaque recrue, trois exemples de la manière dont ce joueur fait face à l’adversité sur le terrain de baseball et trois autres exemples à l’extérieur du terrain, dans sa vraie vie. Parce que le baseball est construit sur les échecs. Le meilleur des frappeurs échoue 7 fois sur 10. – Theo Epstein[/perfectpullquote]
Ce sont donc les compétences sociales qui l’intéressaient. En 2015, l’équipe accède à la finale du championnat, pour la première fois en 45 ans. L’année suivante, elle remportait le championnat pour la première fois en 108 ans! De l’avis de tous les analystes, ce sont les critères de recrutement utilisé par Epstein qui ont fait la différence. Que recherchait-il chez ses joueurs? La capacité de se relever après un échec et de continuer de donner le meilleur de lui-même dans l’adversité.
Ces habiletés font partie de ce qu’on appelle le savoir-être (soft skills) ou compétences sociales, et sont déterminantes pour l’avenir et le développement d’un enfant. À peu près tous les chercheurs s’entendent pour désigner ces habiletés de base ainsi :
la confiance en soi (une perception positive de soi),
la motivation (une mentalité de croissance),
la résilience (en particulier la capacité de faire face au stress et à l’échec) et
la communication (en particulier l’élément d’empathie dans les relations interpersonnelles).
De nombreuses recherches, tant en finances, qu’en sociologie et en psychologie, ont fait la démonstration que ces quatre habiletés des compétences sociales jouent un rôle déterminant dans le maintien de la paix dans les communautés, la productivité des entreprises, le parcours professionnel des personnes et, bien sûr, dans le sentiment de bonheur et de satisfaction de leur vie, chez tous les humains. Les mêmes résultats ont été trouvés dans toutes les cultures! Pas surprenant que le président du club de baseball de Chicago recherché ces habiletés chez ses recrues. On se demande pourquoi elles ne sont pas au cœur de tout le cursus scolaire, de la maternelle à l’université.
Quand les enfants et les ados possèdent de solides habiletés en communication et dans leurs relations interpersonnelles, cela améliore la qualité de leurs relations avec tout le monde. Ça augmente la collaboration avec leurs pairs et les adultes et leur désir d’apprendre. Ça facilite l’adaptation aux changements et leur engagement auprès de la famille et de l’école. En résumé, en améliorant leurs compétences sociales, ils améliorent toutes leurs relations avec les autres. La bonne nouvelle, c’est que le climat que ce savoir-être crée est contagieux! Ces jeunes deviennent donc des modèles et des inspirations pour leurs pairs.
Comment s’apprennent les compétences sociales
Disons tout de suite qu’il ne s’agit pas de capacités cognitives. Tout le monde peut les développer. Elles ne relèvent pas de l’intelligence ni de la capacité de réfléchir. Elle tiennent plutôt à une façon de voir le monde et les autres.
Comment avez-vous réagi et qu’avez-vous dit à votre enfant, la dernière fois qu’il a échoué? Ou perdu un match? Nos réactions peuvent leur apprendre à rejeter la faute sur l’arbitre ou le prof… ou bien leur apprendre à faire face à la défait en assumant sa part de responsabilité et en y apprenant quelque chose.
Lors d’une dispute, nous pouvons demander à un enfant de nous dire ce que ressent ou vit l’autre enfant, à son avis. En le guidant bien pour lui permettre de vraiment se mettre à la place de l’autre, nous l’aidons alors à développer de l’empathie. Ce qui améliore ses habiletés relationnelles. En l’aidant à reformuler ses phrases à la lumière de ce qu’il vient de découvrir, nous lui apprenons des habiletés de communications empreintes d’empathie.
Des compétences sociales à Noël
Avec Noël qui arrive, ce serait une bonne occasion d’inviter l’enfant à offrir au moins au cadeau et à l’aider à choisir ce cadeau en se demandant ce que la personne choie aime, ce dont elle a besoin, ce qu’elle apprécierait. Dans différentes situations, on peut aider les enfants et les ados à chercher honnêtement ce que l’autre peut ressentir, penser; essayer d’anticiper des besoins et des réactions des autres. Il n’est pas question d’en faire des obsédés du bonheur des autres; il s’agit de développer leur empathie et c’est comme ça qu’on la développe : en se demandant régulièrement ce que peut bien ressentir l’autre.
Ce genre d’invitation sera déstabilisant pour les enfants et les jeunes habitués à mettre de l’avant leur intelligence et leurs résultats. Sans doute sera-t-il utile, comme parents, enseignants ou éducateur, de se rappeler comment on installe la motivation et la confiance en soi chez les enfants. Et en profiter pour tenter de l’acquérir!
Terrain de pratique pour les ados
Avec nos ados, on peut installer une manière de jeu quand ils auront des demandes à formuler. Invitons-les à rassembler eux-mêmes les contre-arguments à leur demande. Proposons-leur d’envisager à l’avance le point de vue de leurs parents. C’est-à-dire leurs inquiétudes, leurs limites, financières ou autres, les besoins de leurs frères et sœurs, etc. Examiner sa propre demande dans la perspective de ses parents aide un jeune à comprendre les différences d’opinion et de points de vue, et lui apprendre à tenir compte du point de vue des autres.
Cette compréhension va naturellement (et avec notre aide) l’amener sur les sentiers de la recherche de compromis ou même de consensus, plutôt que de se camper dans ses positions. Mais je vous préviens : vous ne pourrez plus jamais leur opposer une fin de non-recevoir sans discussion. Les jeunes qui développent cette habileté relationnelle considèrent le point de vue de l’autre devant une divergence d’opinions. Ils recherchent le compromis et nous obligent à développer nous aussi cette habileté. À la fin, c’est toujours nous qui décidons. Mais vous serez probablement surpris des décisions que vous prendrez…
Toutes ces compétences sociales de base demandent de la pratique. Plus on a l’occasion de les cultiver, plus on les affine. Pour ça, les parents et les éducateurs doivent être prêts à laisser plus de liberté à la créativité des enfants. Aussi, multiplier les occasions d’explorer des idées nouvelles. Ça veut dire explorer des choses qui peuvent nous déranger ou nous paraître sans valeur.
Bref, si nous ne nous y mettons pas nous-mêmes, on ne pourra pas aider nos enfants à les acquérir.
Compétences sociales : des clés pour le marché du travail
Le Pew Research Center mène chaque année des entrevues auprès de 5006 adultes américains au sujet du marché de l’emploi. En 2016, 85 % des répondants, employeurs ou employés, ont parlé des compétences sociales. « La capacité de travailler avec d’autres personnes qui ont une expérience de vie différente de la leur est l’habileté clé sur le marché du travail ». Il s’agit exactement des quatre habiletés de base dont nous parlons.
94 % d’employeurs considèrent que les compétences sociales sont plus importantes que les résultats académiques d’un·e candidat·e. Mais près du deux tiers de ces employeurs déclarent que les jeunes qu’ils reçoivent en entrevue ne les ont pas.
Alors, on s’y met?