Durant les longs mois de la grossesse, nous construisons une idée de ce qu’est un parent parfait. Dans le secret de notre coeur, nous sommes certains que nous serons bien plus qu’un bon père ou une bonne mère ordinaire. Peut-être parce que l’ordinaire ne nous semble pas suffisant pour cette merveille de trois kilos qui s’apprête à changer notre vie. On ne sait pas encore que les bons parents ordinaires sont beaucoup plus solides que ceux qui courent après les mirages de la perfection.
Notre «parent rêvé» sera calme et inébranlable au milieu des crises. Il sera toujours soutenant pour le petit, aimant, patient, compréhensif. Pendant que nous nourrissons ce fantasme, nous portons également, sans nous en rendre compte, l’idée que ce que nous sommes n’est pas assez. Jamais assez. Qu’il faudra faire beaucoup mieux. Qu’il nous faudra être parfaits. Cette idée creusera des galeries dans nos fondations. Si on n’y prend pas garde, un beau jour, toute notre vie pourrait s’effondrer, ruinée par la peur, l’anxiété et un sentiment d’incompétence écrasant.
La mère rêvée et la réalité
Sur les parois de nos âmes ne figurait pas la course du matin pour la garderie avec l’impression permanente de ne pas y arrivre. Parmi ces images idéales, on ne trouvait pas non plus les punitions, les pertes de contrôle suivies d’une culpabilité dévorante. Il n’y avait pas de froncements de sourcils, pas de déception, pas de disputes avec notre partenaire à propos du ménage qui ne se fait pas et de l’accès à l’ordinateur pour le petit de trois ans.
Nous n’avons pas songé que nous perdrions notre calme en hurlant après nos enfants. Pas un seul instant, l’idée nous est venue que nous serions tentés de les frapper et que, peut-être, nous les frapperions réellement. On n’avait pas imaginé la fatigue, la dépression, la perte d’emploi, les difficultés financières. Pas évoqué une seule seconde la séparation. Et pourtant tout cela est peut-être venu.
Adieu recherche de perfection, bienvenus Bons Parents !
C’est notre premier né qui met au monde le parent qui dort au fond de nous. Ce parent est formidable de bonne volonté, d’esprit d’aventure et et de capacité d’apprendre. Ce père ou cette bonne mère ordinaire fait de son mieux en sachant que le parentage est un sentier de croissance. Et si l’on veut trouver la joie et le plaisir qui se trouvent dans la vie d’un parent, il nous faudra renoncer au parent rêvé et parfait. Il n’existe pas. Honorons plutôt tous les bons parents ordinaires qui s’améliorent avec leurs erreurs pendant que les parfaits tentent de les camouffler.
Comme il m’en a coûté de renoncer à cette mère parfaite ! Douloureuse expérience qui se poursuit encore, d’ailleurs. La «mère rêvée», aussi incontournable que nécessaire, propose finalement un modèle puissant et inspirant. Sauf qu’il est impossible à actualiser. Il nous faut y renoncer.
Bienvenue à la bonne mère ordinaire
Nous sommes imparfaits, voilà tout. Je ne suis pas si souvent celle qui «ferait tout pour ses enfants», alors que cette image est une des premières que j’ai épinglée sur les parois de mon cœur. J’ai été tellement moins zen que je l’aurait souhaité!
Au fil des années, ça m’a tenté de moins en moins de faire le taxi entre le terrain de soccer, les petits amis et les répétitions de thèâtre. Rendue au secondaire, la bonne mère ordinaire que je suis se traînait en maugréant dans les réunions de classe au lieu d’y aller avec enthousiasme comme le voulait ma mère parfaite. Ma «mère rêvée» aimait mieux jouer avec les enfants que faire n’importe quoi d’autre. Combien de fois pourtant, me suis-je précipitée pour plier du linge à leur arrivée de l’école ? Je fais de mon mieux et, oui, il arrive que cette simple vérité ne me console pas de ne pas être ma «mère rêvée».
Petites et grosses erreurs
C’est long de finir par honorer la bonne mère ordinaire en nous. Il a fallu que je me casse le nez sur toutes mes illusions de perfection. Il a aussi fallu que d’autres mères me soutiennent et me reconnaissent comme une bonne mère dans toutes mes imperfections. Qu’elles me répètent souvent que j’étais « correcte » comme ça. Elles ont joué un rôle déterminant.
Quand les enfants sont grands, ces erreurs forment l’histoire des famille. La fois où Joël a refusé de goûter aux moules et où je me suis peinturée dans le coin en essayant de l’y forcer. La fois où Jérémie est allé jouer dans l’étang de la voisine sans le dire et où j’ai fini par appeler la police et lancer un avis de recherche. Et la fois où j’ai laissé ma belle Raphaëlle pleurer à fendre l’âme au pied de ma porte de chambre parce que j’étais trop fatiguée pour bouger. Toutes ces émotions intactes comme au premier jour!
Célébrons les bons parents ordinaires
Toutes les familles ont leurs histoires. J’espère que vous riez avec vos enfants en vous les racontant. Toutes ces imperfections parentales, grosses ou petites, sont aussi ce qui nous lie ensembles. Ce sont toujours les manques et les faiblesses qui nous relient aux autres humains; et c’est particulièrement vrai avec nos enfants.
Aujourd’hui, c’est la bonne mère ordinaire que je célèbre! Celle qui a eu le courage de renoncer à la perfection, qui a accepté d’apprendre et de se tromper régulièrement (et probablement jusqu’à ma mort). J’honore toutes les mères qui ont renoncé à la mère rêvée et se tiennent debout au milieu du chaos en sachant que ça arrive et que ça passe. J’espère que d’autres vous reconnaissent comme de bons parents ordinaires! Parce que c’est amplement suffisant.
Très bel article et tellement vrai. Je ne suis pas encore arrivée à faire taire la mère parfaite (cette volonté de l’être en tout cas) mais je suis sur la bonne route pour y arriver et lacher prise n’est pas si simple au final.