Tout le monde veut être un meilleur parent. Rien de mal là-dedans, apparemment. Sauf qu’il y a un problème avec l’appel perpétuel à faire mieux. C’est que la liste des centaines de recommandations faites à un parent ordinaire s’allonge chaque jour, sous le prétexte de permettre aux parents de « faire mieux ». Et ça, c’est épuisant.
C’est bien les légumes dans la boîte à lunch, mais les brocolis en mammouth et les carottes en cœur, c’est mieux. J’exagère à peine. C’est bien de manger ensemble tous les soirs, mais c’est encore mieux d’avoir une discussion sur notre journée pendant ce repas. On dira que c’est bien de contrôler l’accès des sites web à nos petits, mais ce serait encore mieux de leur donner l’accès à l’ordinateur seulement après deux heures de jeu à l’extérieur.
Comment écraser les parents sans s’en rendre compte
Toutes ces exhortations partent d’un bon principe, pourtant. Tous les intervenants qui les transmettent et les répètent croient vraiment aider les parents et soutenir leurs compétences parentales. Mais ce n’est pas le cas. Ces recommandations sont devenues si nombreuses qu’elles ne représentent plus des voies d’amélioration pour « être un meilleur parent ». Leur liste finit par exercer une telle pression sur les parents que la plupart d’entre eux font semblant d’y arriver; tout simplement pour ne pas se voir proposer de nouvelles recommandations. Elles s’inscrivent dans une définition inaccessible du bon parentage, sans se soucier du bon parent ordinaire. Plus grave encore, ces recommandations deviennent qualifiantes et l’on en fait des repères d’évaluation de la compétence parentale. Et ça, c’est un problème.
Quand le mieux est l’ennemi du bien
Lire avec son enfant permet-il vraiment d’être un meilleur parent?
Probablement pas. On aura seulement débité les recommandations de lecture parce que la recherche a démontré le lien entre la lecture et la réussite scolaire; sans tenir compte de rien d’autre. Il ne s’agit pas de mauvaise foi. Il s’agit d’aveuglement. Pendant qu’on garde les yeux fixés sur la lecture (ou la gestion de la colère, ou la socialisation, ou le guide alimentaire, etc.) on ne voit pas le reste de la vie. Sauf que le parentage n’a pas les moyens d’envisager la vie en tunnel. La vie des parents est faite de milliers de gestes et de contraintes, de valeurs et de choix. La vie quotidienne avec des enfants est un sérieux décapant d’illusion sur « le mieux pour son enfant ».
Peut-être est-il temps de contester l’ensemble des recommandations faites aux parents en se demandant si elles sont vraiment pertinentes pour ce parent. Peut-être est-il temps de dire franchement aux parents qu’ils sont les mieux placés pour décider des recommandations à suivre, et de laisser tomber les autres. Il y a un problème avec « être un meilleur parent » quand ce n’est jamais leur meilleur à eux, mais bien un meilleur absolu qui ne fait écho à aucune réalité.