Lors des formations que je donne, j’entends régulièrement des intervenants déplorer le sentiment d’incompétence des parents. Ils se demandent pourquoi les parents ne demandent pas d’aide quand ils en ont besoin. Qu’ils s’agissent d’enseignantes, d’éducatrices ou d’intervenantes auprès des 0-5 ans, elles semblent impuissantes à convaincre les parents de profiter de leurs ressources.  De plus, la plupart considèrent que les parents qui se servent de l’aide disponible ne sont ceux qui en ont la plus besoin. Comment expliquer cela? S’agit-il de déni, comme tant d’intervenants le croient? Je vous propose quelques pistes qui me viennent des années que j’ai passées à côtoyer toutes sortes de familles et leur sentiment d’incompétence. J’espère qu’elles nous aideront à réfléchir plus avant sur l’aide que nous offrons et surtout comment nous la proposons .

 

Quelques bonnes raisons qui expliquent pourquoi les parents ne demandent pas d’aide

Parce qu’ils pensent que leur situation n’est pas si terrible. Ils sont encore capables.

Les parents sont parmi les personnes les plus tough que je connaisse. Leurs capacités à endurer et tenir bon est tout simplement incroyables. On peut l’expliquer avec l’ocytocine (l’hormone de l’amour que le corps sécrète quand on prend notre bébé dans nos bras, par exemple), mais aussi avec le poids du regard des autres. Ce mélange très puissant fait en sorte qu’ils continuent de prendre soin de leurs petits. Même si c’est difficile. Que c’est long. Ou même quand ils sont fatigués. Et puis, comme nous tous, ils vivent dans une société qui déshonore les limites et prétend pouvoir les repousser sans cesse. Ceci explique peut-être pourquoi les parents ne demandent pas d’aide.

Ils pensent que le problème, c’est eux.

Surtout que, partout et sur tous les écrans, on leur propose des images de parents toujours contents. Des vidéos, des publicités, des images de pères et de mères qui ont l’air bien au-dessus de leurs affaires! Ils finissent pas croire qu’un parent normal vient à bout de tout s’il est un bon parent. Quand ils n’y arrivent pas, comment ne pas croire que quelque chose cloche en eux. Au bout du compte ils finissent pas conclure que c’est eux le problème. Eux comme parents, mais aussi comme personnes. Ils ne savent pas que tout le monde fait semblant d’y arriver. 🙂 Il n’est pas surprenant alors qu’iune demande d’aide leur ferait perdre encore plus d’estime d’eux-mêmes.

Ils savent qu’ils ont besoin d’aide, mais ne sont pas du tout certains que les bénéfices qu’ils y trouveraient valent le sentiment d’incompétence qu’ils ressentiront.

Pourquoi les parents ne demandent pas d'aideIls se demandent simplement si ça vaut le coup. Et cette question est pertinente. Les avantages qu’ils tireront de l’aide reçue valent-ils le dérangement? Valent-ils le sentiment d’incompétence qu’ils vivront? Est-ce que cette aide vaut les efforts surhumains que demande le réarrangement d’un horaire déjà serré et fragile, pour y ajouter des rencontres, des déplacements et l’impact de tous ces changements sur le reste de la famille. Et la réponse c’est que ce n’est vraiment pas certain.

 

Un sentiment d’incompétence

Ils ont eu plusieurs autres expériences qui leur ont laissé un goût amer.

Ça m’étonne toujours de constater que la plupart des intervenants oublient qu’ils ne sont pas les premiers à aborder le problème aveccles parents. Beaucoup de parents ont déjà accepté de l’aide et se sont sentis jugés. Parfois même trahis. Ceux et celles qui devaient les aider ont ajouté davantage à leur charge, en faisant plusieurs recommandations. Ils ne se sont pas sentis écoutés, et avec raison.  Quand ils ont l’impression qu’on ne les écoutera pas parce que c’est ce qui est arrivé la dernière fois, on peut comprendre pourquoi les parents ne demandent pas d’aide.

Ils ont peur qu’on les oblige à faire quelque chose qu’ils ne veulent pas faire.

Par exemple, ils ont peur qu’on les oblige à médicamenter l’enfant s’ils ne le veulent pas. Ils ont peur d’être forcés à participer à des rencontres selon des horaires qui ne fonctionnent pas avec le leur. Ou encore, ils craignent qu’on leur impose un modèle d’éducation qui ne correspond pas à leurs valeurs. Alors ils ne demandent pas d’aide parce qu’ils ont bien raison d’avoir peur de cela. Tout simplement parce que c’est souvent ce que nous faisons. Nous croyons que nous savons mieux qu’eux ce qui les aiderait, sous prétexte d’objectivité professionnelle. Nous voulons les en convaincre, sans mesurer l’impact de nos bonnes intentions sur leur sentiment d’incompétence. Alors, en toute bonne foi, nous exerçons des pressions affectives et psychologiques sur eux. On laisse entendre que l’estime de l’enfant est en jeu, son lien avec eux, ses relations avec ses pairs. On fait valoir l’épuisement des enseignants, alors que ce problème concerne l’organisation scolaire.

Je crois qu’il est grand temps que nous cessions d’invoquer le déni, le désengagement ou la résistance pour expliquer pourquoi les parents ne demandent pas d’aide quand ils en ont besoin. Rappelons-nous qu’aucun parent ne prend de décision dans le but de nuire à son enfant et sa famille. Quand ils choisissent de ne pas venir dans nos services, il y a une bonne raison. Et nous en faisons peut-être même partie. Ces parents-là sont en train de nous dire quelque chose. Finalement, est-ce qu’il ne serait pas utile d’essayer de savoir ce que c’est?

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France Paradis

France collabore régulièrement au magazine Naître et grandir et au site Maman pour la vie. Elle offre un éventail de formations aux intervenants sociaux de nombreux champs de disciplines. Vous trouverez les détails ci-haut, sous l'onglet "Formations intervention sociale"

Cet article a 2 commentaires

  1. Marie-Eve Croteau

    Juste encore une fois merci! Merci pour votre vérité, votre franchise. Merci de mettre des mots sur les inconforts! Merci de me faire réfléchir et de nous faire réfléchir collectivement!

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