Plusieurs fois dans ma vie, j’ai eu l’impression d’être au milieu d’un jardin dévasté; toutes les plantations tuées par l’hiver. Quand mon plus jeune a eu cet accident qui a changé sa vie et la mienne pour toujours. Quand mon cœur s’est brisé sur un chagrin d’amour comme je ne savais même pas qu’il pouvait se briser. Et d’autres occasions où, désespérée à l’idée d’avoir tout perdu, j’ai perdu courage. Chaque fois, pendant un moment j’ai eu envie de rester là, par terre, immobile pour toujours. Ces jours-là, j’ai espéré la résilience de Pâques dans un jardin détruit. Et pourtant, j’ai fini par me relever. Qu’est-ce qui fait cela? Je ne sais pas. C’est un Grand Mystère que j’accepte de ne pas avoir percé. Je crois, en fait, que c’est la même force qui fait sortir le crocus de terre et permet à un brin d’herbe de fendre 5 cm d’asphalte pour trouver la lumière. Le même amour infini qui a créé des milliers de fleurs de formes et de couleurs différentes, pour aucune autre raison que la beauté au monde.
Ramasser les morceaux épars
En tout cas, je ne sais pas si je me suis relevée ou si «on» m’a relevée. Mais une fois debout, chancelante, j’ai commencé chaque fois à ramasser les
morceaux. Lentement. Je crois que la fête de Pâques est à propos de ça. À propos de toutes ces
espérances que nous portons, qui s’effondrent parfois, comme ça, d’un seul coup. Tous ces projets formidables de bébé qui se terminent avec une trisomie 21. Ces grandes fêtes, comme celle de la très nombreuse famille Tremblay, qui se terminent avec la maison familiale rasée par un incendie accidentel. La job d’été du plus jeune de Solange, à l’usine de bois, qui se termine par une amputation du bras droit. Et alors que «tout est fini», quelque chose est pourtant déjà en train de renaître. À notre insu. Malgré nous, parfois. Et tous ceux-là ont commencé lentement à ramasser les morceaux pour déblayer un espace. Dans quel but ? On n’en a aucune idée à ce moment-là. Vraiment aucune. Il n’y a plus de but rendu là. Il n’y a que la dévastation. Et l’espérance de la résilience de Pâques dans un jardin détruit.
À propos de la mort et de ce qui arrive après
Je crois que Pâques, c’est à propos de ce qu’on a perdu pour toujours et qui ne reviendra jamais. La mort, quoi. La mort d’un rêve; celle d’un projet ou d’une partie de nous-mêmes. Mais pas seulement à propos de la mort. Non, Pâques c’est aussi à propos de ce qui arrive après la dévastation et qui nous surprend toujours. Cette transformation que nous n’attendions pas et nous ramène dans la vie. Ça prend du temps. C’est long. Ça n’en finit plus. C’est seulement après, ho oui! bien après, qu’on lève les yeux et qu’on réalise que quelque chose s’est passé. De nouvelles pousses sont sorties du jardin qui était détruit. Petit à petit, cet enfant trisomique, rieur et doux, devient le cœur de sa famille, dont la vie s’est réalignée sur des valeurs de partage, de famille et de simplicité. Une nouvelle maison a été reconstruite et ça a été l’occasion de travailler tous ensemble, manger ensemble et rire ensemble comme ça n’était pas arrivé depuis trente ans ! Le jeune adulte amputé devient un homme accompli, papa d’une fillette formidable qu’il va chercher chaque soir après le travail.
Résilience de Pâques dans un jardin détruit
Je crois que Pâques, c’est le moment de l’année où nous levons les yeux pour être éblouis par le mystère de ce qui fait jaillir de nouvelles pousses dans un jardin détruit par l’hiver de la vie. Éblouis et reconnaissants. Peut-être êtes-vous au milieu d’un jardin dévasté de votre vie en ce moment. Si c’est le cas, j’ai envie de vous dire que je sais où vous êtes. Je le sais. Et je vous attends juste ici, patiemment, le temps qu’il faudra. Je sais que vous me rejoindrez. Je ne sais pas quand ni comment. Mais vous y arriverez, parce que le Grand Mystère est à l’oeuvre dans tous les jardins. Et ce jour-là, on fêtera ensemble notre joyeuse résilience de Pâques dans un jardin détruit.
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