Mon enseignante de 4e année possédait une mentalité de croissance. Elle répondait invariablement la même chose devant les milliers de questions que je posais : « Quelle bonne question! Moi aussi j’aimerais bien connaître la réponse! Inscris-la sur notre tableau de chasse, tu veux bien? » N’était-ce pas là une formidable manière de soutenir la progression et les efforts, plutôt que le fait de briller en connaissant la réponse?

Les enseignant·e·s qui soutiennent la mentalité de croissance en classe n’ont pas peur de dire « Je ne sais pas ». Elles savent, et nous apprennent que les questions sont des chemins vers l’apprentissage. Qu’en classe, les questions sont la matière première du processus de développement de l’enfant.

Un tableau de chasse aux savoirs

Nous avions un « Tableau de chasse aux savoirs ». Il s’agissait d’un grand carton de couleur au fond de la classe. À côté se trouvait un bloc de papier de note autocollant. Nous inscrivions nos questions sur ces notes autocollantes et nous les collions simplement sur le tableau. Quand l’un·e d’entre nous avait terminé ses travaux avant les autres, il/elle pouvait commencer la chasse. C’était bien avant les ordinateurs dans les classes! Nous avions une bibliothèque dans la classe et c’était là la source de nos chasses. Évidemment, je m’en rends compte aujourd’hui, madame Côté s’arrangeait toujours pour qu’elle contienne des livres de référence sur les sujets de nos questions.

C’était tellement fascinant pour nous de chercher une réponse que notre enseignante ne possédait pas! Elle a été obligée de nous réserver du temps à tous et toutes, le vendredi après-midi, pour que nous puissions « chasser les savoirs ». Mes questions, et celles des autres n’avaient souvent pas grand rapport avec ce qui se passait. Elles étaient le fruit de cette incroyable agilité d’esprit qu’ont les enfants parce qu’ils sautillent naturellement d’une idée à une autre.

mentalité de croissance en classe

Quelques règles qui aident

Comment ça se fait que les rivières débordent? D’où vient toute cette eau? Elle était où avant d’arriver ici et elle va s’en aller où après ? Qui a pensé à inventer le bateau la première fois? C’est quoi la différence entre une barque et une chaloupe? Pourquoi l’eau s’arrête ici? Pourquoi l’eau ne rentre pas dans l’asphalte ? C’est fait avec quoi, de l’asphalte ? Pourquoi les oiseaux font des figures dans le ciel? Comment ça se fait que les voitures ont un moteur à explosion, mais que je ne vois jamais d’explosion?

Voici quand même quelques suggestions tirées de l’expérience de la mentalité de croissance en classe.

  1. Réserver du temps pour la recherche des réponses, afin que ça ne devienne pas une simple activité occupationnelle pour les plus rapides.
  2. Encourager le travail d’équipe et les échanges d’informations. Permettre toutes les sources d’information fiables, y compris les adultes autour des enfants. Seulement, les élèves devront présenter les raisons qui donnent du poids et de la crédibilité à leur « source ».
  3. Réserver du temps pour que les réponses soient présentées à la classe.
  4. Laisser les présentations vraiment le plus libres et informelles possible : la forme, les moyens, le matériel… mais pas le temps!
  5. Déterminer un temps limite pour les présentations. D’autres questions surgiront peut-être des réponses… Tant mieux! On recommence le processus!
  6. Limiter les questions épinglées sur le tableau de chasse à une par jour, par élève. Ça permet aux élèves pleins de questions de réfléchir soigneusement pour choisir celle qui vaut la peine de figurer au tableau.
  7. Encourager les traces des recherches et des réponses trouvées; un objet, une photo, un dessin, un livre… ils seront un rappel constant que leurs efforts portent des fruits.

Quelques repères qui nuisent à la mentalité de croissance en classe

1. Considérer qu’une question est stupide, inintéressante ou que l’enfant devrait déjà en connaître la réponse

Tous les enfants posent des questions. Cela fait partie du développement normal d’un être humain. Parfois elles nous apparaissent vraiment brillantes et d’autres fois moins. Rappelons-nous que nous ne sommes pas le critère universel de détermination de l’intérêt des questions. La réponse des adultes devant la curiosité manifestée des enfants doit soutenir ce désir d’apprendre. Notre réponse déterminera en grande partie l’intérêt et le goût de l’effort de cet enfant maintenant, mais aussi pour le reste de sa vie.

Quelle bonne question! Ho j’aimerais vraiment connaître la réponse à ça; à qui on pourrait demander ça? Tu poses tellement des bonnes questions! Viens, on va chercher la réponse ensemble.  Quelle bonne question, note-la pour qu’on y revienne plus tard. Voilà autant de réponses à offrir aux questions dont on ignore les réponses. Sans compter que c’est le genre de réponse qui développe une mentalité de croissance en classe.

2. Répondre que « ce n’est pas le temps pour les questions! » 

Pour développer une mentalité de croissance en classe, nous allons considérer que c’est toujours un bon moment pour poser des questions. Nous accepterons d’être dérangés dans notre planification afin de saisir leur curiosité à bras-le-corps. Reconnaître que nous réagissons mal aux questions dont nous ignorons les réponses, ce sera un pas important dans le développement de notre propre mentalité de croissance.

Peut-être avez-vous été un enfant qu’on a faire taire quand il posait des questions. Il n’est pas trop tard pour retrouver cette fabuleuse richesse que sont la créativité et la curiosité des enfants. Laissez vos élèves vous amener dans ces prés fleuris que sont la curiosité et l’émerveillement!

Instiller une mentalité de croissance en classe est à notre portée, dans ces gestes qui mettent en valeur le processus d’apprentissage plutôt que la connaissance; les efforts qui portent des fruits, plutôt que l’étalage de nos savoirs.

France Paradis

France collabore régulièrement au magazine Naître et grandir et au site Maman pour la vie. Elle offre un éventail de formations aux intervenants sociaux de nombreux champs de disciplines. Vous trouverez les détails ci-haut, sous l'onglet "Formations intervention sociale"

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