coNotre identité se construit aussi avec l’histoire de tous ceux qui nous ont précédé. C’est pour cela qu’il faut raconter les histoires. Même,e t peut-e^tre surtout, celles qui nous semblent anodines. Nous avons tous et toutes besoin de savoir que d’autres avant nous se sont retrouvés au pied de la même montagne pour trouver le courage de s’y engager.
Savoir qu’il y a eu du monde avant nous et qu’il y en aura d’autres après nous, voilà ce qui nous donne le sentiment que c’est possible; que nous appartenons à quelque chose de bien plus grand que nous… quelque chose comme une immense cordée de l’humanité, avec d’autres grimpeurs qui ont ouvert le chemin devant nous. C’est pour ça qu’il nous faut raconter les histoires de famille aux enfants. Ces histoires ressemblent à des ancrages que nous enfonçons dans le roc de cette montagne que représente l’avenir. Ils y glisseront leurs mousquetons parce que leurs parents les ont assurés sur la voie.
Maintenant que mes enfants sont grands, ils ont encore besoin de ces repères qui nourrissent leur identité. Ils ont besoin d’entendre que d’autres avant eux ont marché sur cette route cahoteuse du développement humain, avec des doutes et des erreurs, des essais courageux et des échecs honorables. Maintenant qu’ils sont de jeunes adultes, leur route s’élargit de plus en plus et ça les rassure de savoir que d’autres avant eux ont eu le vertige, eux aussi, devant tant de choix, tant de responsabilités et d’inconnu. Ils ont besoin d’entendre raconter les histoires.
Raconter les histoires difficiles
Nous croyons à tort que les jeunes adultes n’ont plus besoin de nous et des repères que nous pouvons encore leur offrir. Notre propre histoire ne leur offrira pas toutes les réponses et ce n’est pas l’idée. Non, l’idée c’est de leur offrir ce qu’il y a derrière les réponses que nous avons trouvées sur notre route : le courage, la persévérance, la force de continuer et aussi la force de laisser tomber. La foi dans nos rêves ou notre manque de foi. Tout cela fait partie de leur identité.
Raconter des bouts de notre histoire à nos grands enfants, c’est leur offrir le cadeau inestimable de vivre avec les imperfections de la vie et de la condition humaine. Partager avec eux des bouts de notre vie, c’est aussi partager ce que nous avons appris et un peu de notre propre identité. D’une certaine façon, c’est leur indiquer les coinceurs que nous avons enfoncés dans le roc, et qu’ils peuvent utiliser pour continuer d’avancer. Voilà pourquoi il faut raconter les histoires.
Raconter les histoires d’amour
Racontons nos histoires d’amour, notre premier job, nos doutes quant à notre avenir. Racontons-leur nos rêves de carrière, nos efforts pour y parvenir, mais aussi nos détours, nos reculs, nos questionnements. Racontons nos amis disparus, nos aventures folles et nos espoirs déçus. Pas pour qu’ils suivent nos traces, mais pour qu’ils sachent qu’il y a des traces. Confrontés aux mêmes genres de choix, d’autres avant eux ont trouvé moyen de choisir.
D’autres avant eux ont aussi eu le sentiment de tout perdre ou de ne jamais pouvoir y arriver, et ils ont quand même poursuivi leur chemin. Raconter les histoires de nos nids de poule de notre parcours, c’est leur offrir de se sentir compris, de ne plus être seuls dans la confusion ou le doute, la peur ou l’incompréhension. N’est-ce pas l’effet que cela nous fait quand, dans un moment plus difficile, quelqu’un nous raconte que notre déroute lui est familière? FInalement, quelqu’un est déjà passé par là.
Notre identité
Ces histoires nous permettent également de nous ancrer dans une histoire bien plus grande que nous-mêmes. Elles nous incluent toujours dans celle de l’humanité. Et ce patrimoine fait partie de notre identité. Raconter les histoires qui leur donnent accès à plus de sens, plus d’horizon. N’est-ce pas tout aussi vital que d’avoir appris à parler et à marcher?
Nos histoires leur apprendront qu’ils ne sont pas le début du monde. Ça les soulagera, même s’ils ne le manifestent pas.
Je viens de tous ceux et celles qui m’ont précédée, ont espéré, ont pleuré, ont souffert et se sont relevés. Je suis faite aussi de tous ceux qui n’ont pas pu continuer, qui ont eu peur. De ceux aussi qui ont été lâches ou cruels parce que leurs histoires m’ont été racontées. Les milliards de mères épuisées qui m’ont précédée ont donné un sens à mes nuits à veiller un enfant malade. Toutes ces intervenantes sociales qui ont eu peur, qui ont pleuré, qui ont perdu pied. Ce sont celles qui me donnent le courage d’apprendre de ces écueils. Ce sont finalement des milliers d’histoires difficiles qui me donnent le sentiment d’avoir une place dans cette communauté humaine.
Nous ne sommes pas seuls. Il faut le dire à tous ceux qui ont besoin de l’entendre.