La négligence émotionnelle des enfants survient lorsque les parents ne répondent pas suffisamment aux besoins affectifs de leur enfant. Notre utilisation inappropriée des jeux électroniques pourrait bien nous y amener sans qu’on s’en rende compte.

Le mot le plus important dans cette définition est  suffisamment. Les enfants ont besoin de suffisamment d’attention émotionnelle et de réactions de la part de leurs parents pour apprendre que leurs émotions comptent, comment lire ces émotions, les comprendre et les gérer. Pour cela, il nous faut être présents physiquement, mais aussi émotionnellement ; avoir toutes sortes d’échanges avec nos enfants. 

Ni démon ni Dieu

Internet, la télé, FB, les téléphones cellulaires sont des outils formidables.  Ils sont là pour rester, et être utilisés dans de nombreux champs de notre vie. Sans aucun doute, ils joueront un rôle de plus en plus grand dans la vie de nos enfants.
Les réseaux sociaux, les jeux, le web, la télé et toutes les autres ressources électroniques ne sont ni démon ni Dieu. Il ne s’agit pas de les éliminer du paysage. Il s’agit d’apprendre à s’en servir et prendre conscience du risque réel de négligence émotionnelle des enfants que représente leur utilisation sans nuance. Ce qu’on peut faire de mieux, comme parent, c’est sans doute donner le bon exemple à nos enfants en suivant nos propres règles ! 

La fatigue des parents

Parfois, les appareils électroniques et internet peuvent être des outils utiles aux parents pour remédier à la fatigue ou à l’ennui des enfants. Je me souviens très bien d’avoir assis mes enfants devant la télé afin d’avoir 30 minutes de repos. Même une heure de télé ne crée pas de négligence émotionnelle. Ça ne fait pas de nous un mauvais parent. Tout est une question de dosage et d’équilibre. 

L’épuisement que connaissent les parents à différents moments du développement de leurs enfants est bien réel! Mais il peut être trop facile pour les enfants et les parents de laisser, sans le vouloir, l’électronique et internet devenir un filet de sécurité ; un refuge facile pour ne pas avoir à gérer les émotions de l’enfant en général et la fatigue parentale.

Notre attention est essentielle au développement des enfants

À quoi la négligence émotionnelle des enfants pourrait-elle ressembler ? C’est quand la colère du petit de 2 ans fait tout de suite venir l’idée de l’assoir avec un cellulaire pour qu’il joue à des jeux électroniques. Tout le monde connaît l’ampleur que peuvent prendre les crises d’un enfant de deux ans ; on n’appelle pas ça « Terrible Two » pour rien ! Parfois, pour éviter la catastrophe, on lui passe la tablette ou le cellulaire. Parce qu’on est fatigués. Parce qu’on ne sait plus comment gérer ces crises-là. Ou encore parce que ce sera le seul moment de la journée où nous ne serons pas ensevelis sous les demandes constantes.

Toutes les émotions

Cette attention des parents, si essentielle au développement des enfants, n’est pas utile seulement aux meilleurs moments de la journée. Cette attention que nous leur accordons quand ils sont tristes, joyeux, excités, distraits, en colère ou fatigués, et nos réactions de réassurance, de répimande, d’écoute attentive et toutes les autres réactions, c’est ce qui permet à l’enfant d’apprendre ce que sont les émotions et quoi faire avec. C’est donc dire que les moments de colère ou de peine sont extrêmement précieux dans cet apprentissage et nécessitent que nous soyons tout à fait présents dans ces moments de crise aussi.

Quand le jeu devient de la négligence émotionnelle des enfants

Il est vrai que 20 minutes de jeux électroniques (ou n’importe quelle autre activité sur un appareil électronique) aplanissent l’humeur des enfants. En cas d’urgence, on allume des cierges pour bénir les créateurs de jeux ! Mais utilisés systématiquement, les écrans-calmant font du tort aux enfants. Utiliser du temps d’écran comme solution unique et automatique aux crises ou à notre fatigue est sans doute la voie royale de la négligence émotionnelle des enfants. Et sans même qu’on s’en rende compte.

candy crush©

On est à l’épicerie et, comme de raison, le plus vieux s’écrase à terre au milieu d’une allée en hurlant. Voyant cela, sa petite sœur se joint au concert en hurlant elle aussi. Tout le monde nous regarde. Nous essayons bien de les calmer, mais nous sommes tellement énervés que ça ne fonctionne pas. Alors on sort le téléphone cellulaire et en le voyant, les enfants se calment instantanément. Soulagement intense, calme, silence. Plus personne ne nous regarde.

Mais les enfants aiment ça !

On se prépare à partir pour les îles de la Madeleine avec ses douze heures de route ! On installe les enfants à l’arrière avec la tablette ou l’ordinateur portable et on se félicite d’avoir songé à apporter six DVD pour l’aller et six autres pour le retour. On n’a pas besoin de les forcer, ils adorent regarder des films ou jouer à des jeux. Comme nous le savons tous, le fait qu’ils aiment quelque chose n’est pas garant de la qualité de la chose. Six DVD, ça fait entre 8 et 11 heures de temps-écran. C’est le temps recommandé pour les enfants de plus de 9 ans pour une semaine.

En réponse à la pression sociale

On est invité à souper chez des amis et les enfants se tortillent sur leur chaise, alors que les adultes n’en sont pas encore au dessert. La plus vieille se met  à tirer sur la nappe pour voir ce que ça fait pendant que la plus jeune chigne depuis un bon moment pour avoir son dessert sans avoir touché à son assiette. Notre tension artérielle a commencé à grimper et on a de plus en plus de difficulté à suivre la conversation. On fait signe discrètement aux enfants de se calmer ; mais vous avez déjà vu des enfants se calmer quand on le leur demande ? Pas moi.

Alors on a le sentiment de plus en plus lourd que nos enfants dérangent et on sort la tablette avec les jeux électroniques et hop ! la sainte paix est retrouvée ; notre souper peut se poursuivre normalement. (Avez-vous déjà songé qu’un souper normal avec des enfants, c’est justement un souper où ils sont présents, actifs et participent à ce qui se passe ?) C’est justement ce « retrait » de ce qui se passe et la porte qu’on referme sur ce qu’ils vivent (fatigue, ennui, mal aux fesses, frustration) qui crée la négligence émotionnelle des enfants.

Les jeux électroniques, une sortie de secours ?

Encore une fois, le recours aux écrans électroniques n’est un problème que s’il est utilisé au lieu de communiquer avec votre enfant et de travailler avec lui pour comprendre et gérer ses émotions. Dans ce cas, votre enfant ne recevra pas assez de cette validation émotionnelle vitale, de ce lien affectif et de cette éducation émotionnelle ; toutes ces choses essentielles pour le préparer à une vie émotionnelle riche et réussie à l’âge adulte.

La tablette, les DVD et autres jeux électroniques ne sont pas « le mal » ! Ce sont des outils de communication et d’apprentissage, simplement. Mais ce ne sont pas des calmeurs d’enfants. Ce ne devrait pas être la porte de sortie quotidienne de la fatigue parentale. Le recours fréquent au temps-écran pour calmer les enfants risque vraiment de créer de la négligence émotionnelle des enfants. Et je sais que nous ne voulons pas ça. Mais ça pourrait bien arriver sans que l’on s’en rende compte.

négligence émotionnelle des enfants et jeux électroniques

N’oubliez pas que l’électronique peut en fait être un outil utile pour les parents lorsqu’elle est utilisée de manière équilibrée et avec une bonne communication avec votre enfant. Ces objets sont là pour rester, ils ne disparaîtront pas. Autant décider maintenant de quelle façon ces outils seront utilisés dans notre famille, tant par les enfants que les parents.

Quelques repères pour éviter d’utiliser les appareils électroniques de façon nuisible


Commencez le plus tôt possible
  • Commencez le plus tôt possible à limiter l’accès de votre enfant aux appareils électroniques. Assurez-vous qu’il en apprenne le langage et le fonctionnement, et qu’il s’en serve bien sûr. Et en même temps, veillez à ce qu’il n’ait pas un accès illimité aux écrans, internet et réseaux sociaux. (Il n’est jamais trop tard pour commencer. Tant que votre enfant est sous votre toit, vous êtes celui ou celle qui fixe les règles).

Faites-vous de vrais amis
  • Faites-vous de vrais amis. Le genre à qui on peut raconter ce qui se passe vraiment dans notre cœur, notre épuisement, nos doutes. Le genre qui ouvre les bras quand on pleure et qui nous écoute sans nous interrompre. Avec une ou deux amies comme ça, vous aurez beaucoup plus de ressources pour faire face aux colères de vos enfants.

Faites-vous de vrais amis
  • Placez hors de sa portée les appareils électroniques (les vôtres et ceux de votre enfant) pendant les devoirs lorsque cela est possible. Faites la même chose lorsque la famille passe du temps ensemble ou avec des amis ; pendant les repas et la nuit bien sûr. C’est une règle simple qui inculque à nos enfants une façon équilibrée d’utiliser les appareils électroniques. 

Faites-vous de vrais amis
  • Faites régulièrement des activités avec vos enfants. Si on leur donne le choix entre Candy Crush© et une activité (pratiquement n’importe laquelle) avec un de ses parents, tous les enfants choisiront de jouer avec leurs parents. Jaser, dessiner, faire des devinettes, construire une cabane, arroser les plantes ; pas besoin d’un cours en organisation des loisirs ! Et on sait que cet arrêt dans votre journée n’apporte que des bénéfices pour votre santé physique, mentale et émotionnelle. 

Expliquer clairement le rôle de l’appareil
  • Expliquer clairement le rôle de l’appareil dont l’enfant va se servir. Par exemple : « Si tu veux en savoir plus sur les aviateurs la Deuxième Guerre mondiale, on pourrait chercher une vidéo qui en parle sur l’ordi ; ça sert à ça. » « Tu t’ennuies ? Je te donne dix minutes pour chercher des idées sur internet, ça sert à ça. » Ce genre d’explications, faites régulièrement, font comprendre à votre enfant qu’un appareil est un outil et non un mode de vie.

Organisez du répit régulièrement
  • Organisez du répit régulièrement. Faites une liste des personnes que vous pouvez appeler quand vous avez besoin d’un peu de repos. Et appelez-les, de grâce ! Si nous avons un réseau (même tout petit) sur lequel on peut compter, nous serons mieux à même de supporter les contraintes importantes de la vie de parents… et moins tenter d’avoir recours aux écrans pour calmer les enfants. Et donc moins de risque de créer de la négligence émotionnelle sans le vouloir.



Ne passez pas un appareil à votre enfant parce qu’il a des émotions
  • Ne passez pas un appareil à votre enfant parce qu’il a des émotions. Ça lui apprendrait que l’utilisation de l’électronique
    est une bonne stratégie pour échapper à la réalité déplaisante. Ces moments d’émotion sont des occasions précieuses d’enseigner leurs sentiments à nos enfants, de les nommer, de les partager et de les utiliser de manière saine. Ce sont des compétences sociales dont votre enfant aura besoin pendant toute sa vie.

Les colères et les crises sont normales
  • Les colères et les crises sont normales dans le développement normal de tous les enfants. N’utilisons pas ces moments difficiles pour évaluer de nos compétences parentales. Apprendre à vivre une frustration ou un gros chagrin ; les traverser et passer à autre chose, ce sont des moments de développement importants ! 

Les jeux électroniques sont sans doute de bons jeux pour se distraire. Mais rappelons-nous de ne pas utiliser les appareils électroniques  comme moyen de calmer ou d’échapper aux émotions de nos enfants ; obtenir du répit parental ; ou éviter de satisfaire les besoins émotionnels des enfants. Parce qu’alors, il y aurait un risque très sérieux de négligence émotionnelle des enfants. Et aucun d’entre nous ne veut ça.

France Paradis

France collabore régulièrement au magazine Naître et grandir et au site Maman pour la vie. Elle offre un éventail de formations aux intervenants sociaux de nombreux champs de disciplines. Vous trouverez les détails ci-haut, sous l'onglet "Formations intervention sociale"

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