En ce dimanche de la fête des Mères, il nous viendra sans doute des images de robe en coton et de bouquet de pissenlits. Des odeurs de lilas et de gâteau des anges. Peut-être des souvenirs de becs mouillés sur les joues et de souliers neufs.
Et pourtant, au milieu de toutes ces images imposées par une culture de performance, je ne peux pas m’empêcher de songer à Anousha qui va bientôt accoucher d’un neuvième enfant, malgré sa santé fragile et la situation financière précaire de la famille. Parce que dans sa religion, la contraception est interdite et les enfants sont toujours une bénédiction.
Je songe à Jennifer qui ne connaissait pas les signes de la déshydratation néo-natale et dont le bébé vient d’être hospitalisé. Elle passera finalement la fête des Mères dans une chambre aseptisée, dans l’angoisse et la culpabilité. Je songe à toutes les mamans qui ne savent pas quoi faire et qui finissent par faire au mieux, supportant les condamnations des étrangers.
Je songe à toutes les fois où j’ai moi-même ployé sous le fardeau du maternage et des décisions à prendre. Comment ma compassion ne pourrait-elle pas jaillir pour celles, nombreuses, qui portent parfois des chaussures trop grandes pour elles et marchent quand même, parce qu’il le faut !
Quand la vie d’un enfant repose entre nos mains, comment ne pas tomber à genoux ?
Fête des Mères, toutes les mères
Au matin de cette fête, je penserai à toutes les mères. Celles qui sont seules et celles qui sont en couple. Les adolescentes et celles très âgées qui ont tout donné et vivent aujourd’hui dans une chambre de CHSLD. Je pense aussi aux mères intoxiquées par leur dépendance à l’alcool, la drogue, le jeu, le sexe ou le travail. Et je songe à leurs enfants qui n’ont pas de mère à embrasser avant de s’endormir.
Je songerai à toutes ces cartes en papier construction, réalisées par de minuscules mains d’enfant; en ce jour de fête des Mères, j’aurai une pensée encore pour toutes celles qui ne pourront pas lire ces mots d’amour aux lettres inégales, tout simplement parce qu’elles ne savent pas lire. Personne ne saura, elles feront semblant. Comme pour tant d’autres choses. Du bout des doigts, commepour le braille, elles liront les mots d’amour en caressant les traits de crayons.
Ce matin-là, je penserai à toutes ces femmes que la maternité a frappées comme un éclair foudroie la promeneuse isolée. Tous ces bébés, atterris dans des bras étonnés. Toutes ces femmes qui ont dû abandonner leur bébé, de gré ou de force, et qui vivent toujours avec ce vide toujours silencieux dont elles seules connaissent la profondeur.
Je penserai alors à toutes celles dont l’enfant a disparu et qui vivent depuis, dans l’attente cruelle d’un retour qui n’arrive pas. Comment se passe cette journée pour elles?
Bonnes mères, mauvaises mères?
Dimanche de la fête des Mères… Je m’imaginerai toutes les femmes incarcérées, en désintox ou hospitalisées et qui embrassent une photo avant de s’endormir. Je songe à ces femmesqui se battent. Pour elles-mêmes, pour leurs enfants. Forcées parfois de se battre juste pour rester en vie. Je songe aux mères dans les camps de réfugiés en Somalie, au Liban, en Jordanie, au Kenya et ailleurs. Aux mères de la guerre, soldates qui portent le fusil chaque jour ; et celles aussi qui n’ont plus de lait dans leurs seins affamés.
Je tournerai bien sûr mes pensées vers les mères assassinées par leur propre enfant. Et aussi vers celles qui ont mis fin à la vie de leurs petits. En cet instant, je penserai aussi aux mères dont les enfants ont volé, violé, frappé ; aux mères de meurtrier, qui porte un si lourd fardeau. Lourd et injuste.
À celles dont l’enfant est incarcéré, derrière des barreaux; mais également aux mères des hommes et des femmes emprisonnés dans la maladie mentale. À celles dont l’enfant est handicapé et qui s’inquiètent de ce qui lui arrivera, une fois qu’elles n’y seront plus.
Dans le grand cercle millénaire de la maternité, au-delà de tout ce qui nous sépare, sachez que je vous vois. Toutes, je vous reconnais. Je vous porte en moi.
Et en ce jour de fête des Mères, j’espère le meilleur pour chacune de nous.
Ping : La maltraitance infantile des tout-petits | France Paradis Formations
Ping : 3 conseils de parents | Formations intervention sociale | France Paradis
C’est exactement cela, je me bats avec mes chaussures trop grandes alors que je n’ai plus besoin de marcher autant …..
Merci France Paradis pour tes textes toujours touchants et parfois, pour moi, percutant comme celui-là