Au matin de Pâques, j’irai réveiller mes enfants à 4 h du matin. Je le fais depuis plus de vingt ans. Nous aurons préparé des thermos de chocolat et de café, des noix, des fruits et des croissants que nous apporterons dans un sac à dos. Ce réveil au cœur de la nuit nous rappellera la nuit de Noël, avec un peu de la même fébrilité. On s’habillera chaudement et, avec nos lampes frontales qui éclaireront la nuit, nous grimperons la montagne. Une longue ascension lente et difficile. Chaque fois, je suis étonnée de notre silence recueilli. Et pourtant il s’agit bien de cela: Pâques, plus que du chocolat.
Arrivés au sommet, nous trouvons un petit coin tranquille pour attendre le lever du soleil, en nous réchauffant les mains autour de la tasse de chocolat. Quand le soleil jaillit de l’horizon, le silence s’installe de lui-même, sans doute à cause de la splendeur du spectacle ; et dans ce silence, je chante pour rendre grâce de l’espérance que porte chaque lever de soleil.
Pâques est une grande fête d’espérance !
Ne la réduisez pas à la fête du chocolat !
Pâques, fête d’une espérance millénaire, universelle et profonde. Dans toutes les grandes religions, cette période est celle de la célébration de l’espoir et de sa puissance de transformation.
La terre qui semblait morte et immobile se réchauffe et fait jaillir les pousses vertes du recommencement de la vie. La lumière du jour revient, brillante, éclatante. On le ressent même dans notre corps, enfin libéré des vêtements chauds et épais ; voici que ce corps retrouve l’air libre et la chaleur du soleil.
Tout le sens de Pâques est dans cette incroyable résurrection de la vie et de la nature : tout ce que nous avions cru mort revient à la vie.
J’ai toujours retrouvé le sens de Pâques dans les récits de vies transformées. Je songe à tous ceux et celles qui ont arrêté la cocaïne, l’héroïne, l’alcool et toutes les autres dépendances qui étaient en train de les mener à la mort. Tous ceux et celles qui ont connu un trauma et l’ont transcendé, dépassé.
Pâques, plus que du chocolat
Je pense à tous nos soldats revenus de mission en choc post-traumatique et qui réussissent à recoller les morceaux de leur humanité. Les victimes d’accidents de la route gravement blessées qui traversent le long désert de la réadaptation ; les personnes atteintes de cancer et qui jouissent d’une rémission après une lutte aride. C’est cela le sens de Pâques. Je songe aussi à tous les parents d’enfants différents qui attendaient un autre genre d’enfant et qui ne le changeraient pour rien au monde aujourd’hui.
Tous les ressuscités… Vous tous et toutes qui êtes passés par la prison et avez aujourd’hui une vie fructueuse. Vous tous qui avez perdu un être aimé, cru que votre vie était finie et qui avez de nouveau tourné votre visage vers la lumière. Enfin vous qui avez connu l’enfer de la dépression et de la maladie mentale, qui avez vu votre être intime tenu pour mort dans ce dédale et qui avez retrouvé la sortie du labyrinthe. Merci d’être là pour me rappeler l’espérance. Vous êtes tous et toutes des témoignages vivants de la fête de Pâques.
Qui peut dire vraiment ce qui fait jaillir le crocus de terre à cette période de l’année exactement ? Et s’enchaîner les saisons ? Mystère sacré.
Que faisons-nous de l’espérance?
Au lieu de lire des histoires de lapin aux touts petits cette année, lisez-leur Le vilain petit canard dans sa version longue ; elle raconte la transformation douloureuse des humains pour, un jour, trouver leur place dans le monde. Racontez-leur l’espérance des hommes et des femmes devant l’adversité, la peur et l’oppression depuis que le monde est monde. À vos ados, vos jeunes adultes et pour vous aussi, plongez dans la vie d’Helen Keller, Harvey Milk et Martin Luther King ; Malalaï Joya, Nelson Mandela, Aung San Suu Kii et Gandhi.
Comme ça, on se rappellera tous et toutes que Pâques est bien plus que du chocolat.