Après le slow food et le slow parenting, voici la slow intervention.
Une intervention lente est tout à fait contre-culturelle puisqu’elle propose de ralentir nos modes d’intervention sociale dans un monde qui recherche l’accélération en tout, y compris en relation d’aide.
À notre époque, la vitesse à laquelle le changement se produit ne cesse d’augmenter. Dans ce grand carrousel de la productivité, chacun et chacune doit s’accrocher de toutes ses forces aux bords du manège qui tourne de plus en plus vite. Dans nos bureaux se retrouvent ceux et celles qui n’ont plus la force de s’accrocher et sont littéralement éjectés du manège.
Slow Intervention
Une intervention lente fait appel à plus d’attente que d’action; c’est-à-dire que la patience et la présence au silence et à l’apparente immobilité sont considérées comme une action. La slow intervention fait appel à davantage de réflexion que de certitudes, plus d’improvisation que de méthodologie. En cela, elle ressemble davantage à un jeu qu’à une performance.
C’est un appel à une révolution culturelle qui s’oppose à l’idée que plus vite c’est toujours mieux. Parce que c’est faux bien sûr et tout ce qui importe vraiment dans notre vie demande du temps et pas de la vitesse. Parce que le prix que la pression qui accompagne cette incessante accélération nous fait tous payer est bien au-dessus de nos moyens.
L’inattendu est précieux
Dans la Slow Intervention, nous allons nous intéresser davantage aux processus qu’aux résultats; aux personnes qu’aux problèmes. Il ne s’agit pas de renoncer à obtenir des résultats. C’est plutôt que nous allons renoncer à déterminer au départ à quels résultats nous devrions arriver. Cela permet bien sûr d’être enrichi par ce qui émerge au fil de la relation et que nous aurions discarté du revers de la main dans une approche traditionnelle.
Je crois qu’aucun intervenant ne peut déterminer ce qui est utile ou pas dans une conversation de soutien thérapeutique ou d’accompagnement. Ce qui se présente et que nous n’attendions pas a de la valeur, voila la prémisse de départ. Toutes ces choses bonifient les voies de résolution. C’est ce qui permet à une intervention sociale de se déployer de manière organique plutôt que mécanique.
D’abord une activité relationnelle
À l’instar de Socrate, Levinas ou Foucault, je crois que l’intervention sociale est d’abord une rencontre entre deux personnes. Dans la slow intervention, nous accordons du temps à cette rencontre d’expériences différentes afin qu’elles s’enrichissent mutuellement.
Il s’agit de ralentir assez nos protocoles pour qu’une relation véritable s’installe et qu’elle soit bilatérale au lieu d’être à sens unique. Je nous invite à renoncer aux échelles de temps prévu pour établir une relation d’aide. Ralentissons plutôt jusqu’à ce que cette relation s’installe. Assez de temps pour que la personne devant nous ait envie de participer à cette relation. Assez de temps pour que nous puissions nous taire et laisser le silence créer de l’espace pour une rencontre d’égal à égal.
Une intervention lente crée son propre rythme et son propre espace
Cette intervention lente se situe en dehors de la chronologie rectiligne et de la progression par séquences. Elle refuse de contraindre la relation à entrer dans un développement prévu à l’avance, par étapes prédéterminées en dehors de la relation. À la place, nous suivons le parcours qu’elle déploie à mesure qu’elle le déploie. Le temps y est circulaire au lieu d’être linéaire.
Une contre-méthode plutôt qu’une méthode
Une intervention lente nous libère des contraintes méthodologiques, de l’application des mesures et des étapes prévues. La slow intervention relève bien sûr de l’analogique plutôt que du numérique. Elle laisse toute la place aux possibles de la co-construction avec les personnes. Quand il n’y a plus d’attention à porter à la forme du contenant, alors toute l’attention peut être portée sur le contenu.
La Slow Intervention est d’abord au service de la personne
L’objectif de la Slow Intervention se trouve à l’intérieur même de la relation et est au service de la personne. C’est-à-dire que l’intervention sociale ne devrait pas être instrumentalisée par les gouvernements et leurs organisations afin de rendre la personne conforme aux normes que cette société a fixées. Une intervention lente recherche ce que la personne recherche. Même si ce n’est pas de « bien fonctionner
dans notre société». Krishnamurti n’a-t-il pas déjà très clairement remis cet objectif en perspective en disant que « Ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade. »
L’intervention lente est poreuse, perméable
C’est-à-dire qu’elle permet un échange mutuel, un apprentissage mutuel. Elle assure la réciprocité des échanges plutôt que la livraison de réponses unilatérales. La lenteur permet que se déposent les énergies si volatiles des uns et des autres dans une forme d’imprégnation mutuelle féconde et créatrice. Cet échange véritable redonne du pouvoir aux personnes.
« Tout est dans tout! » disait Raoul Duguay, le poète de l’audace et de la liberté. Ainsi, dans la slow intervention, je reconnais que je laisse aller un peu de moi dans la personne devant moi. J’accepte l’idée qu’elle aussi dépose quelque chose d’elle-même en moi. Et que nous en sommes tous deux transformés.
Quel bel article! J’étais à la rencontre nationale des organismes communautaires famille et j’adore la manière dont tu décris la manière que nous avons souvent d’intervenir! Merci