Si l’on pouvait faire confiance aux enfants, à leurs capacités, à leur ingéniosité ; alors je crois que le monde serait bien différent. Si l’on croyait dans leur capacité au point de compter sur eux… nous entrerions dans une vraie pédagogie de la vie.
Mathilde était assise devant des dizaines de pièces et de vis, l’air intensément concentrée. Le vieux radio-réveil de son père ne fonctionnait plus et du haut de ses 10 ans, elle avait eu la généreuse idée de le réparer. Elle avait seulement oublié de prévenir son père; mais personne ne s’en servait de toute façon! Et quand celui-ci s’est exclamé de surprise et de mécontentement devant le radio-réveil en morceaux, j’ai vu Mathilde aussi surprise que désolée d’apprendre que « Tu seras jamais capable de réparer ça, de toute façon ! »
« Tu ne seras jamais capable!«
Vraiment ?
Peut-être était-ce vrai. Mais peut-être pas. Personne ne peut dire à une autre personne quelle est la limite de ses capacités! Les morceaux ont été ramassés et jetés en même temps que l’enthousiasme et l’ingéniosité de Mathilde. On ne se rend pas toujours compte du prix que les enfants payent pour notre manque de foi et nos vues trop étroites. Comme nous avons de la difficulté à faire confiance aux enfants !
Et ça m’a fait penser à Richard Turere.
Faire confiance aux enfants
En 2013, Richard Turere était un jeune ado Massaï de treize ans et vivait au Kenya, au sud du Parc National de Nairobi. À cette époque, il garde les vaches de son père, comme le font tous les bons garçons du village. Il ne va pas vraiment à l’école. Mais il est curieux, comme tous les enfants. Et de vieux bouquins sur l’électricité traînent dans le centre communautaire du village. Il les a apportés à la maison pour mieux les « lire », puisqu’il ne lit pas très bien. Heureusement, les images et les diagrammes sont clairs. Et, heureusement, dans son village on fait confiance aux enfants sans rien connaître de la pédagogie.
Sa mère va puiser l’eau tous les matins pour qu’il puise se débarbouiller et faire le thé. Personne ne s’inquiète de son avenir. Chez lui, les traditions tracent le sillon que chacun suit. Et pourtant, ce jeune ado a transformé la vie de son village. Il a rencontré un défi à sa mesure. Un défi qui met dans la balance la vie et la mort, et la responsabilité de chacun face à la survie de la communauté. Dans sa culture, on ne doute pas que même un enfant puisse changer le monde. On compte sur eux pour faire leur part.
Une pédagogie de la vie
Est-ce ce qui manque si cruellement à nos filles et nos garçons ? Un vrai défi qui n’est pas inventé de toutes pièces par des pédagogues ultras compétents ? ? Ressentir que leur communauté est capable de faire confiance aux enfants au point de les inviter à faire face à des problèmes pour lesquels nous comptons réellement sur eux. Peut-être avons-nous aussi besoin de développer notre mentalité de croissance.
Et ce défi qu’aucun éducateur ne lui a proposé, Richard Turere l’a résolu à tâtons ; à force de réfléchir. Faisant essai après essai. On l’a laissé se tromper, faire des dégâts. La meilleure pédagogie qui soit !
Et sa vie en a été transformée à jamais.
Je sais bien que notre société a souhaité protéger ses enfants, et c’est très bien. Ici, aucun enfant n’est responsable du patrimoine familial dès l’âge de huit ans. Mais Richard m’inspire une profonde réflexion sur la force qui peut jaillir du sentiment de responsabilité chez un enfant quand on lui fait assez confiance pour compter sur lui. Sans doute est-ce la pédagogie la plus efficace que je connaisse.
Je cherche comment nous pourrions ouvrir cette porte pour nos filles et nos fils qui sont terriblement dépourvus d’occasions où leur action compte vraiment ; des occasions où ils et elles feront la différence. Je laisse Richard vous raconter, avec une grande passion, comment il a fait la paix avec les lions. Puisse-t-il nous inspirer à tous les moyens de faire confiance aux enfants et leur offrir toutes les occasions de déployer leur force. Cliquez sur sa photo pour l’entendre raconter son histoire.