Êtes-vous de ceux qui croient que c’est juste de la télé et qu’il ne faut pas démoniser les écrans? Peter Winterstein, pédiatre allemand, a étudié pendant 17 ans les dessins de 1900 enfants et a publié les résultats de ses recherches en 2006. Si une image vaut mille mots, regardez celles-ci:

Voici les dessins de bonhomme d’enfants de 5 et 6 ans qui regardent 60 minutes ou moins de télé par jour:

juste de la télé
©Winterstein P. et al. «Medienkonsum und passivrauchen bei vorschulkindern», Kinder und Jugendarzt, no 37, 2006, p. 205 et suivantes.

 

Et voici les dessins d’enfants du même groupe d’âge qui regarde plus de trois heures de télé par jour.

juste de la télé
©Winterstein P. et al. «Medienkonsum und passivrauchen bei vorschulkindern», Kinder und Jugendarzt, no 37, 2006, p. 205 et suivantes.

©Winterstein P. et al. «Medienkonsum und passivrauchen bei vorschulkindern», Kinder und Jugendarzt, no 37, 2006, p. 205 et suivantes.

 

Voyez-vous, le cerveau d’un bébé «apprend» parce que l’enfant se sert de tous ses sens en synergie. Il touche les objets, les lance, les met dans sa bouche, en profite pour les sucer, les mordre et les goûter. Il les secoue, les colle sur son oreille et donne des coups de pied dessus. Ou alors, il les cogne ensemble juste pour voir le bruit que ça fait. Il les empile puis les regarde tomber. Il les entend également tomber et les attrape avec ses mains, ses pieds, etc.

Les écrans de tous ordres (télé, tablette, cellulaire, ordinateur, console de jeu vidéo) empêchent tout ça. Peut-on encore se dire que c’est juste de la télé ?

Vraiment juste de la télé?

Les chercheurs ont également observé chez l’enfant qui regarde la télé plus 30 minutes consécutives, une nette prédominance de l’activité cérébrale dans l’hémisphère droit, celui qui traite l’information de façon émotionnelle. Cependant, pour développer une pensée critique ou même apprendre, l’hémisphère gauche du cerveau doit être sollicité régulièrement et en synergie avec le droit. Or, l’écoute de la télévision ne permet pas cela. Un enfant qui regarderait trois heures de télé par jour aurait donc beaucoup moins accès à une activité cérébrale qui permette l’apprentissage. (Oubliez ça, les émissions éducatives! Le cerveau n’apprend pas comme ça.)

Plus un bébé aura regardé la télévision, plus ses risques d’échouer dès le primaire seront élevés. Et les méfaits se confirment sur la durée : une enquête néo-zélandaise (1), portant sur un millier d’individus nés en 1972 et 1973 et suivis pendant trente ans, a montré que plus ils avaient écouté la télé pendant leur enfance, moins leur niveau d’études était élevé. Notez que le niveau d’étude est directement proportionnel à l’état de santé physique, la longévité, la qualité du réseau social et le revenu annuel, entre autres.

Même quand ils ne la regardent pas…

Vous vous dites que votre petite puce de deux ans ne regarde pas vraiment la télé, même si elle est allumée en permanence, mais juste comme un fond sonore. Hé bien les recherches ont permis d’observer que chaque changement sonore de la télé « en fond » crée une interruption dans l’activité de l’enfant. Or les enfants créent des scénarios, des séquences lors de leur jeu. Chaque interruption interrompt aussi cette séquence et l’oblige à recommencer. C’est vrai même si elle ne se retourne pas vers l’écran. À la longue, cela diminue sensiblement la capacité de concentration d’un enfant et l’habitue à « décrocher » rapidement et régulièrement. Est-ce que ça ressemble à un déficit d’attention?

Impact sur le sommeil

Aussitôt la télé allumée, l’activité électrique cérébrale passe en ondes alpha ; c’est pour ça qu’on a l’impression que les enfants sont hypnotisés par l’appareil. Cependant, l’activation des ondes alpha empêche l’activation des ondes bêta. Les ondes bêta sont celles de l’éveil qui permettent le jeu, les conversations et la créativité, entre autres. On sait aujourd’hui que l’usage des écrans diminue la production de mélatonine pendant plus de 24 heures. Rappelons que la mélatonine est la substance produite par le cerveau et qui induit l’ensommeillement. C’est vrai pour les tout-petits, mais aussi pour les plus vieux. Quels que soient leur niveau socioculturel et leur environnement affectif, les adolescents qui consomment trois heures de télévision par jour à 13 ans rencontrent davantage de problèmes de sommeil. Notez que ces problèmes perdurent jusqu’à l’âge adulte. (2) Ça devient de plus en plus difficile de considérer que c’est juste de la télé, non?

Je vous laisse avec la suggestion de la direction de la santé publique belge dans sa campagne publique de prévention. Après ça, chacun fait de son mieux.

PAS de télé avant 3 ans,
Aucune console de jeu avant 6 ans,
PAS d’accès à internet avant 9 ans,
Surtout, pas d’accès aux réseaux sociaux avant 12 ans.


  1. « Association of Television Viewing During Childhood With Poor Educational Achievement », Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine vol. 159, 2005.
  2. «Association Between Television Viewing and Sleep Problems During Adolescence and Early Adulthood» (Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine vol. 158, 2004).

France Paradis

France collabore régulièrement au magazine Naître et grandir et au site Maman pour la vie. Elle offre un éventail de formations aux intervenants sociaux de nombreux champs de disciplines. Vous trouverez les détails ci-haut, sous l'onglet "Formations intervention sociale"

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