André Stern n’est jamais allé à l’école. Il n’y a tout simplement jamais mis les pieds. Tout simplement pas d’école pour lui. Sa sœur non plus. Leurs parents ont plutôt choisi de les laisser suivre la route spontanée de l’apprentissage. Confiants que tous les enfants viennent au monde avec l’inéluctable force de développement inscrite dans le bagage cellulaire millénaire des humains, ils ont choisi de la laisser se déployer sans la conduire. Exactement comme on plante un pommier et qu’on assiste à sa croissance, le voyant faire des fleurs puis donner des fruits, sans avoir eu besoin de lui expliquer comment on déroule une feuille ni comment les racines tirent les nutriments du sol. On surveille sa croissance. On en prend soin, on le taille. Bref, on le protège. Mais on ne lui « montre » pas comment être un pommier.

J’ai moi-même envisagé sérieusement de faire l’école à la maison à mes trois enfants, il y a 25 ans de cela. On me trouvait bien audacieuse… et beaucoup d’autres qualificatifs moins positifs :). Mais ce dont parle ici André Stern, ce n’est pas d’adapter le cadre scolaire au milieu familial. Ce dont il s’agit, c’est de sortir du cadre scolaire. Il s’agit de laisser tomber l’idée même de désigner aux enfants ce qu’il faut apprendre et le moment de l’apprendre.

L’éducation sans l’école
il n'est jamais ellé à l'école
André Stern, dans son atelier de lutherie

André Stern a 44 ans aujourd’hui et est loin d’être le seul à avoir connu un parcours hors-école. Il n’est même pas le premier, loin s’en faut. En 1921 Alexander Sutherland Neill  fondait en Angleterre la Summerhill School, qui existe toujours et où il n’y avait ni programme, ni enseignement formel. En 1964, John Holt, pionnier des droits des enfants et enseignant au primaire pendant plus de quarante ans, publiait son premier livre: How Children Fail et dans lequel il faisait la démonstration que les enfants n’échouent pas malgré les moyens mis en œuvre à l’école, mais bien à cause de ces moyens.

Partout dans le monde, en Finlande, en France, en Roumanie, en Israël, aux États-Unis, au Canada et ailleurs, ils sont des milliers d’enfants à avoir suivi la piste que Holt a balisée, et après lui Ivan Illich et tant d’autres chercheurs et penseurs. Et aucun de ces enfants n’a fini en prison ou en institution psychiatrique. Ils et elles sont parfaitement adaptés, ont une vie active et fructueuse. Simplement, ils ne sont jamais allé à l’école.

Pas de cours, beaucoup d’apprentissages

En anglais, ça s’appelle le unschooling. Au Québec et en France, on parle de non-scolarisation. J’aime mieux  » libre apprentissage ». Car, pas d’école ne veut pas dire pas d’apprentissage!  L’apprentissage est intrinsèque chez l’humain; pas l’enseignement. On apprend tous, même sans enseignement formel. Pas d’école, ça veut dire… pas d’école. Pas d’horaire, pas de programme, pas de pause après 50 minutes, pas de matière obligatoire, pas de test. Ni devoirs ni thème imposé.

Dans cette voie très exigeante pour l’adulte, l’enfant est soutenu et nourri dans les intérêts qu’il manifeste. C’est l’enthousiasme qui décide du programme. En entrevue, Stern (qui n’est jamais allé à l’école) déclare qu’il a appris à faire ce qu’il aime et à fournir tous les efforts pour pouvoir le faire. Combien d’enfants apprennent cela dans nos écoles?

Oui je sais, c’est complètement déstabilisant. Même si vous ne décidez pas demain matin de retirer vos enfants de l’école, il y a quelque chose à apprendre dans cette façon de faire; il y a des idées toutes faites à laisser tomber et des lieux communs auxquels il faut renoncer.

[perfectpullquote align= »full » bordertop= »false » cite= » » link= » » color= » » class= » » size= » »] J’ai adoré toutes mes années de formation! Sauf mes années d’école. Jacques Prévert  [/perfectpullquote]

 

Il n’est jamais allé à l’école… Mais comment ça marche?

Mais s’ils n’apprennent pas à faire des choses qu’ils n’ont pas envie de faire, comment feront-ils dans la vraie vie?

Dans la vraie vie, chacun de nous est forcé de faire des choses qu’il n’aime pas parce qu’il faut les faire si on veut obtenir ou faire ce qu’on veut vraiment faire. Personne ne fait jamais des choses qu’il n’aime pas juste parce qu’il faut les faire. C’est aussi vrai pour ces enfants-là. L’enthousiasme est un puissant moteur de travail et donne du sens aux étapes plus difficiles qui mènent à ce qui nous intéresse!

Mais est-ce qu’il n’y a pas des trous dans leurs connaissances?

Tout le monde a des trous dans ses connaissances. Si la physique ne vous intéressait pas, avez-vous des trous dans cette matière alors qu’on vous l’a enseignée pendant des mois?

Et la loi sur l’éducation? Est-ce que c’est légal?

Parfaitement légal: Est dispensé de l’obligation de fréquenter une école l’enfant qui reçoit à la maison un enseignement et y vit une expérience  éducative qui sont équivalent à ce qui est dispensé ou vécu à l’école. Article 15(4) de la Loi sur l’instruction publique.

France Paradis

France collabore régulièrement au magazine Naître et grandir et au site Maman pour la vie. Elle offre un éventail de formations aux intervenants sociaux de nombreux champs de disciplines. Vous trouverez les détails ci-haut, sous l'onglet "Formations intervention sociale"

Cet article a 2 commentaires

  1. Mélanie

    Mon fils a 2 ans, lorsque je l’observe, je sais que je dois tout faire pour préserver sa personnalité : sa joie de vivre, son bonheur d’apprendre, d’experimenter, son sens de l’observation…
    Je me suis intéressée au libre apprentissage ; j’ai lu le livre d’André Stern et d’autres. J’ai lu des blogs de parents unschoolers, vu des vidéos des enfants. J’étais convaincu, enthousiaste. Et puis, il y a un mois, j’ai eu un doute. Tous les témoignages très positifs ressemblent à une publicité pour un voyage idyllique : faire ce qu’on aime, choisir ce qu’on apprend, grandir avec des gens de tout horizon qui nous comprennent et nous ressemblent…
    Tout à coup m’est apparu un problème. Toute la communauté qui gravite autour de l’enfant est reliée à sa culture familiale. Mais qui sera là pour le contredire, lui permettre de prendre du recul, de penser les choses différemment ? Qui sera là pour lui offrir d’autres intérêts que ceux qu’il voit à la maison ? Mais surtout pour offrir le défi de la « confrontation  » avec l’autre dans sa diversité sociale, culturelle et intellectuelle ?
    N’y voyez pas une critique du unschooling, c’est une véritable interrogation que je me pose… J’ai l’impression que cette manière de faire, c’est un peu comme si je choisissais de m’informer uniquement grâce à mon journal préféré : il m’attire car il est conforme à mes idées et me conforte dans mes pensées sans jamais me proposer de déplacement de mon point de vue. Mais si je me plante, qui me le dira ?

    1. France Paradis

      Bonjour Mélanie 🙂
      Quelle bonne question à se poser! Et je me rends compte qu’on devrait se la poser même si noter enfant fréquente l’école régulière; car elle-ci reflète toute une série de préjugés, d’idées arrêtés et de façons de voir sur lesquelles s’entend à peu près la communauté à laquelle nous appartenons…
      Par ailleurs, le « unschooling » ne consiste pas en un repli sur le milieu. En fait, tout comme vous, la plupart de ses adeptes sont sensibles à « sortir » de la zone de confort et se frotter à l’inconnu. C’est même une des particularités de cette approche : suivre le courant dont on ne voit pas le bout.
      Merci pour avoir participé à la réflexion!

Laisser un commentaire