J’ai longtemps cru que les compliments nourrissaient l’estime de soi. J’ai louangé les talents de mes enfants. Hé bien, je me trompais. Je ne savais pas encore comment nourrir une mentalité de croissance. J’ai cru que c’est le succès qui construit une image positive de soi. Ce sont donc les résultats que je félicitais. Et devant Joël qui lisait Jules Vernes, Stevenson et Moore à 9 ans, je criais au génie. Quand Jérémie s’est mis à faire des multiplications à trois chiffres en deuxième année,  hourra! Je déversais sur lui des tonnes de compliments pour sa « bosse » des maths qui annonçait une grande persévérance scolaire. Quand Raphaëlle a obtenu le premier rôle en ballet classique à 5 ans, nous avons tous fait une ovation à son talent naturel.  Nous nous sommes tous trompés.

N’est-ce pas ce qui nous vient en premier ? « Tu es vraiment brillant ! » « Tu as du talent ! » « Incroyable, ce que tu es capable de faire ! » « T’es vraiment bon en français, toi » Ou en soccer. Ou en dessin. J’ai entendu cela mille fois dans des groupes de parents; des fêtes de famille; des réunions de parents ou des rencontres de mères. Je l’ai dit moi-même très souvent. Ne vous méprenez pas : le talent était réel, les capacités vraiment grandes et l’intelligence patente.

Mentalité fixe et mentalité de croissance

Mais quand ces enfants ont vieilli un peu, je les ai vus s’effondrer de plus en plus souvent devant l’échec. Alors, j’ai commencé à avoir des doutes. Devant l’invitation à relever ses manches et recommencer, ils résistaient avec entêtement; rejetant souvent la faute sur la situation ou une autre personne.

mentalité de croissance talent importe peu

« Moi, je ne suis pas bon en sport » « Les maths, c’est pas pour moi ». Ils refusaient de plus en plus souvent d’essayer des choses nouvelles et j’ai compris qu’ils avaient peur de l’échec. Quand on réussissait à les convaincre d’essayer une nouvelle activité au moins une fois, ils réussissaient du premier coup ou alors, ils abandonnaient tout de suite. En fait, plus les enfants étaient talentueux, brillants, intelligents et doués, plus l’échec les terrorisait. Et cette terreur les paralysait. Ça s’appelle avoir une mentalité fixe. Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?

Le talent n’empêche personne de s’affondrer

Carol Dweck, psychologue chercheure à l’université de Stanford, s’est demandé elle aussi pourquoi de nombreux enfants extrêmement talentueux et reconnus comme tels avaient une estime de soi à zéro et des résultats nettement en-dessous de ce qu’ils devraient être capables de faire. Ses recherches sont passionnantes [i] et nous apprennent, entre autres, ce qui motive les enfants devant les difficultés. Ce ne sont pas les compliments sur leur intelligence et leur talent et encore moins les félicitations devant un bon résultat. Cela, au contraire, les rend fragiles face à la pression et l’adversité. Ils s’attendent à ce que ce soit leur talent qui leur permette de traverser les difficultés; ce qui ne s’avère pas, évidemment. Ils n’apprennent donc pas à chercher des solutions et à les essayer. Tout cela crée un obstacle majeur à la persévérance scolaire.

Féliciter les processus est un facteur majeur de persévérance scolaire

Ce qui développe l’estime de soi et la motivation nécessaire pour avancer malgré la difficulté et l’échec, ce sont les compliments sur les stratégies, l’effort et leurs processus. Peu importent les résultats. C’est ce qu’on appelle développer une mentalité de croissance. En applaudissant leur travail, leurs différentes tentatives de résoudre les difficultés, leurs progrès, nous leur apprenons que c’est l’effort, la pratique et le travail, qui permettent d’aller là où on veut aller. Nous leur apprenons vraiment que l’échec est une occasion d’apprendre. Nous leur apprenons aussi que la plus grande portion de satisfaction et d’estime ne se trouve pas dans le succès comme tel, mais dans la route qui y mène. Dans le sentiment d’avoir progressé. C’est peut-être la clé de la persévérance scolaire. Vous toruverez ici quelques exemples.

Il nous faut arrêter de leur dire qu’ils sont brillants : cela les enferme dans une toute petite boîte. En les félicitant pour leurs essais, leurs modes de travail et leurs stratégies pour résoudre le problème, nous abattons les parois de la boîte. Et nous leur transmettons une mentalité de croissance.

Alors, ils ont la place qu’il faut pour apprendre. Toute leur vie durant.

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[i] Mindset: the new psychology of success, C. Dweck, PhD,  Random House Edition, New York, 2006

France Paradis

France collabore régulièrement au magazine Naître et grandir et au site Maman pour la vie. Elle offre un éventail de formations aux intervenants sociaux de nombreux champs de disciplines. Vous trouverez les détails ci-haut, sous l'onglet "Formations intervention sociale"

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