Il est temps de réfléchir sérieusement à l’équation écran et santé mentale dans la vie de nos ados. Plus les adolescents passent de temps devant un écran, plus ils rapportent de symptômes de dépression. Il n’y a pas une seule exception. (1) La limite critique est de deux heures trente. Je sais que le sujet « téléphone cellulaires et enfants » est délicat. Mais il ne disparaîtra pas.
Les adolescents qui passent plus de deux heures trente par jour devant un écran (téléphone intelligent, ordinateur, tablette, télévision) sont plus susceptibles d’être malheureux, et ceux qui passent plus deux heures par jour dans des activités qui excluent les écrans sont plus susceptibles d’être heureux. 
écran et santé mentale
Source : Larry Rosen Ph.D. California State University
Écran et santé mentale : des plus et des moins

Ces adolescents appartiennent à la igénération : ils sont nés entre 1995 et 2012 et ont la particularité de n’avoir jamais connu de vie sans téléphone intelligent. Ces jeunes sont capables de réaliser jusqu’à 7 tâches simultanément (multitasking) : courriel, FB, Snapchat, magasinage, textos, choix d’une musique à écouter, Instagram. Précisément à cause de cette extraordinaire capacité, leurs heures cumulées d’utilisation des médias dépassent 20 heures par jour. (2) Ils sont aussi beaucoup plus seuls : les élèves de 5e secondaire et de première année de CÉGEP sortent aujourd’hui avec des amis moins souvent que le faisaient ceux de 1ere secondaire en 2009!

Écran et santé mentale : un impact majeur

Ils ont donc beaucoup moins d’interaction en personne avec leurs pairs, à un stade de développement où l’on acquiert le plus les habiletés sociales. Leurs habilités à interagir avec d’autres humains sont donc sensiblement diminuées. En effet, ils décodent beaucoup moins bien les signaux non verbaux que les générations précédentes. Ce qui les expose à plus de conflits et moins d’attachement signifiant avec leurs pairs. Dans la même recherche, on apprend  par ailleurs que cette utilisation effrénée des écrans fait diminuer les heures de sommeil. Et nous savons que le manque de sommeil augmente le risque d’échec scolaire, d’obésité, de dépression.

Selon Dr Larry Rosen, professeur émérite au département de psychologie de la California State University, Dominguez Hills, les adolescents (9 à 18 ans) passent presque toutes leurs heures d’éveil en interaction avec un écran et reçoivent en moyenne 3146 textos PAR MOIS.

Ferme ton écranÀ peu près tous les résultats de recherches vont dans le même sens : tous les médias qui utilisent un écran ont un impact majeur sur la santé physique et mentale des enfants et des adolescents. Les téléphones intelligents en particulier, sont loin d’être des outils inoffensifs. Et certainement pas des jouets.

Si vous voulez un conseil simple pour avoir des enfants heureux, c’est facile… Fermer régulièrement les téléphones, ordinateur, tablettes. Puis faites n’importe quelle activité qui n’implique aucun écran. Littéralement n’importe quoi. Et surtout, faite-la avec eux! La négligence émotionnelle est un piège subtil et si facile à faire avec les yeux sur nos téléphones.

Des idées pour réduire le temps écran

Quelques idées? Cuisiner, ramasser les feuilles, jouer au ballon, marcher, prendre le thé chez grand-maman, lire une histoire, danser, faire du théâtre, dessiner, coudre, crocheter, bricoler, faire des constructions legos, corder du bois, jaser, jouer à des jeux de société, faire de la pâte de sel, se déguiser, chanter, faire de la musique, marcher, rouler, écouter de la musique, inventer une histoire, construire une maison d’oiseaux, cueillir des fleurs, les offrir, lire, jouer à Dongeon & Dragon, alouette!

Écran et santé mentale: agir maintenant

Ce sera difficile? Oui, ça le sera. Mais l’enjeu est énorme ! Alors on fera comme pour traverser la rue et l’heure du coucher : fixer des balises claires d’utilisation et les tenir. Ils seront frustrés, ils feront la crise du bacon, ils nous diront que nous sommes les pires parents du monde. On se sentira misérables et on aura peur qu’ils ne nous aiment plus. Mais on tiendra bon à propos des deux heures trente par jour devant un écran, parce que les enjeux sont trop importants.

On regrettera les jours où, tannés de leur turbulence, nous pouvions leur refiler notre téléphone pour les faire tenir tranquille. Je sais. Mais on tiendra bon. Parce que personne ne veut payer si cher pour un peu de paix.

Et on fermera notre propre téléphone. Tsé.


(1) Jean Twenge, professeur de psychologie à la San Diego State University, sonde chaque année 11 millions de jeunes Américains âgés de 11 à 25 ans. Dans cet océan de données, elle cherche les changements importants. Notamment les différences significatives avec les années précédentes et les transformations dans plusieurs champs, dont les comportements sociaux, les activités et leur santé mentale. On peut trouver les résultats de ses recherches dans son livre : iGen : Why Today’s Super-Connected Kids Are Growing Up Less Rebellious, More Tolerant, Less Happy—and Completely Unprepared for Adulthood—and What That Means for the Rest of Us.

France Paradis

France collabore régulièrement au magazine Naître et grandir et au site Maman pour la vie. Elle offre un éventail de formations aux intervenants sociaux de nombreux champs de disciplines. Vous trouverez les détails ci-haut, sous l'onglet "Formations intervention sociale"

Cet article a 2 commentaires

  1. France Allen

    Bonjour France !
    Encore du plaisir à te lire.
    Ma réflexion aujourd’hui est une prise de conscience : je suis moi-même accro à mon téléphone intelligent et à ma tablette. J’ai 64 ans ! Pourtant…
    Quand je reçois mes petits-enfants, jamais nous ne nous asseyons devant la télévision parce que nous ne nous voyons pas assez souvent pour perdre ce précieux temps devant un écran.
    Ma petite-fille, qui est une lectrice effrénée de mangas et autres séries sur son cellulaire, prend conscience que cela affecte sa vue. Elle cherche à réaliser d’autres activités… sans écran.
    Dans certains cas, au début, je crois que les parents équipaient leur enfant d’un cellulaire afin de pouvoir le rejoindre en tout temps. Cela les rassurait peut-être ? Qu’en est-il de nos jours ?

  2. Sabrina St-Onge

    Merci beaucoup pour cet article complet qui nous donne envie de se sauver des écrans ! Des études ont également montré que l’exposition aux écrans chez les enfants en âge préscolaire peu ralentir l’apprentissage du langage. Cette nouvelle technologie évolue tellement rapidement, il est difficile de s’y adapter et de savoir comment encadrer sainement les enfants. Votre vulgarisation des études est intéressante et nous donne quelques pistes sur la la « posologie recommandée » pour l’exposition aux écrans (2h30, ça passe vite!). Je ne serais pas surprise que les adolescents développent précocement des douleurs cervicales à force d’utiliser des téléphones et des tablettes dans des positions inconfortables durant plusieurs heures ! Il faudra rester à l’affût des nouvelles études!

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